Ouvert le 22 octobre dernier à travers une visite de terrain par les participantes dans les localités de Madina et Thayiré, l’atelier d’échanges, d’apprentissages et de solidarité organisé par le Centre du Commerce International pour le Développement – CECIDE – via son programme Femme et Développement – FEDEV- a pris fin le jeudi 24 octobre 2024 sur une note de satisfaction.
Avec pour thème : » les femmes africaines et leurs communautés disent non aux projets nuisibles », cette rencontre de trois jours a permis aux femmes venues du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Burkina Faso, du Cameroun, de l’Afrique du Sud, de la zone de Souapiti et de la zone minière de Boké, de discuter de long en large sur comment ces projets les affectent en tant que communauté et en tant que femme.
A cela s’ajoutent les multiples manquements des multinationales et la réaction parfois timide des pouvoirs publics à leur souffrance.
Dans le cadre de cette rencontre, le CECIDE a fait élaborer un guide digeste sur le droit de Consentement Libre, Informé, Eclairé et Préalable (CLIP) afin de mieux outiller les communautés à préparer leur propre défense, et surtout à dire »NON » aux projets d’exploitation qui les affectent.
Présidant la cérémonie d’ouverture, le Directeur Exécutif du Centre du Commerce International pour le Développement, Aboubacar Diallo, a remercié d’entrée l’ONG WOMin partenaire financier, qui accompagne ce programme au sein de son institution.
»Permettez-moi de dire merci à l’ONG WoMin qui nous a réunis ici et grâce à laquelle nous avons accompagné nos femmes de Dubréka, de Tahiré, de Sangaredi, bref nos femmes dans plusieurs zones minières. L’activité minière extractive impacte négativement l’ensemble des communautés, mais plus particulièrement la couche féminine ».
Parlant des objectifs de l’atelier, le CECIDE, par la voix de son directeur exécutif, a fait savoir que » ce projet qui réunit les femmes du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Burkina, du Cameroun, de l’Afrique du Sud, permet aux femmes guinéennes d’acquérir de nouvelles expériences auprès de leurs collègues femmes des autres pays sur le droit de dire non. Partager avec les femmes guinéennes les expériences acquises, les difficultés. Aider les femmes guinéennes à davantage dire non, sur le droit de consentement libre, éclairé, préalable et informé. Aider l’ensemble des femmes participantes à mettre davantage le cap sur ce thème qui est un principe fondamental pour le combat de la femme. De surcroît, permettre aux femmes participantes d’échanger, d’apprendre et de se réconforter sur tous les obstacles auxquels elles sont confrontées dans leurs communautés respectives à cause des projets miniers qui impactent leurs modes de vie. Cet atelier va davantage offrir aux femmes les notions pouvant les aider dans la réclamation de leur droit. Nous sommes là aujourd’hui pour apprendre à dire non. Même si je sais que vous avez déjà appris. Mais nous voulons davantage dire non à l’abus, dire non à l’exclusion de la femme, davantage dire non à l’exploitation de la femme, dire non à la violence basée sur le genre. Enfin, dire non à tout ce qui est de nature à freiner l’émancipation de la femme », a laissé entendre le Directeur Exécutif du CECIDE.
Géorgine Kengne de l’ONG WoMin Alliance basée en Afrique du Sud, explique les raisons qui l’ont amenée à participer à cette formation :
»Nous travaillons, pour soutenir les revendications des femmes qui sont impactées par les projets miniers en Guinée et dans d’autres pays. Et quand nous disons projets miniers, nous savons que la mine, elle est bien mais si les impacts de la mine sont tellement négatifs sur les communautés, les empêchent d’avoir de l’eau potable, un environnement sain, nous devons travailler avec ces femmes pour réclamer leurs droits. Cette visite d’échanges est très importante pour les femmes guinéennes en ce sens que nous venons apporter la solidarité aux femmes guinéennes de Boké, de Madina Tahiré. Nous leur apportons notre message de solidarité pour leur dire qu’elles ne sont pas seules. Nous savons qu’elles passent des moments difficiles et qu’ensemble nous pouvons pacifiquement réclamer leurs droits. Pour ce faire, je ne suis pas venue seule, je suis venue avec d’autres femmes qui sont soutenues par le Réseau des femmes de l’Afrique Centrale et de l’Ouest, qui luttent également contre ces impacts négatifs de la mine dans leurs localités. Donc les femmes sont venues de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Burkina Faso, du Sénégal pour apporter des messages de solidarité à nos collègues Guinéennes » a-t-elle précisé.
Interrogée sur la visite de terrain effectuée sur le site des communautés impactées par la construction du barrage de Souapitti, elle témoigne : »Nous avons trouvé des femmes, malgré les conditions de vie difficiles, très joyeuses, mais la joie de ces femmes est affectée, parce qu’elles vivent dans des campements qui n’ont pas d’électricité, alors que l’électricité est générée à partir de leur localité. Elles n’ont également pas d’eau potable, de terres auxquelles elles n’ont plus accès pour leur culture. Nous savons que chez nous en Afrique, la terre est propre à leur culture. Et quand nous sommes dépossédés de nos terres, nous perdons notre culture. Ces femmes ont besoin de leurs terres pour les activités agricoles, elles ont besoin de l’eau, de l’électricité pour que les enfants soient formés, apprennent à lire leurs devoirs et deviennent des personnes que nous voulons voir dans la société demain », a-t-elle déclaré.
Donnant son avis sur le guide élaboré par le CECIDE pour les communautés, madame Géorgine Kengne, n’a pas manqué de saluer son utilité.
»Pendant la visite d’échanges, vous avez entendu parler les femmes de travail décent, qu’elles ont droit à l’éducation, droit à la vie, à l’héritage. Donc le guide élaboré par le CECIDE a tout simplement donné l’opportunité aux femmes de comprendre qu’elles sont les voies de recours pour réclamer certains de ces droits après lesquels elles courent encore. Pourtant, ces droits sont inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme que nous connaissons depuis 1948, dans nos Constitutions également dans les codes miniers de ces pays. Nous connaissons que les compagnies minières n’ont pas la volonté de mettre en application ces lois. Et ces femmes connaissant leurs droits, elles ont compris aujourd’hui qu’elles sont les voies de recours, quels sont les articles dans la Constitution, du code minier qui peuvent soutenir leur combat », a – t-elle salué avant d’adresser un message aux compagnies minières. « Le message que nous avons à l’endroit des compagnies minières est de savoir que leur redevabilité envers ces communautés doit être appliquée. Qu’elles prennent en charge leurs responsabilités et que toutes les demandes de ces femmes soient prises en compte ».
De son côté, la présidente des femmes transformatrices des produits halieutiques et vice-présidente de l’ONG Lumière synergie pour le développement du Sénégal, d’indiquer : » avec les collègues des autres pays africains impactées par l’exploitation minière, on a trouvé nécessaire de venir prêter main forte à nos sœurs guinéennes pour qu’elles sachent comment mener le combat. Nous, au Sénégal, il y a l’installation d’une centrale à charbon. Donc pendant 18 ans, nous sommes en train de nous battre pour ça. Aujourd’hui, on a des acquis, parce qu’on a obligé l’État du Sénégal et la Banque qui a financé la centrale à charbon de ne plus financer l’installation d’une centrale de charbon en Afrique. On est victime, c’est vrai, mais on a réussi à obtenir l’annulation des financements en cours », a fait savoir Fatou Samba.
Pour terminer, la présidente des femmes de Bangouyah, impactées par le barrage de Souapitti, une localité de la région administrative de Kindia, est revenue sur les impacts négatifs du barrage Souapit sur sa communauté.
»On était au bord de la route qui mène vers la préfecture de Télémélé, avant les travaux de construction du barrage de Souapitti. Aujourd’hui, cette route est barrée. Ensuite toutes nos terres, qui nous aidaient à faire les travaux agricoles, elles sont envahies par les eaux, mais presque l’indemnisation n’a pas pris en compte tous les dommages. Nous les femmes, là où on pouvait faire les travaux de potager, et qui nous permettaient de couvrir certains besoins de nos familles, aujourd’hui nous ne pouvons rien entreprendre à cause non seulement de l’envahissement de l’eau, mais aussi du manque de route. Pire, nous sommes victimes de morsure de reptiles de tous genres, alors que nos centres de santé qui existent manquent de tout. L’autre souci que nous avons est que nous ne parvenons pas à retenir nos enfants. Beaucoup sont morts déjà dans le désert du Sahara et dans la mer méditerranée. Parce qu’ils nous voient souffrir, et eux-mêmes, ne peuvent plus entreprendre. Pour eux, c’est l’exil la solution. C’est pour cette raison, nous saluons à juste titre cet atelier. Nous remercions nos sœurs africaines et CECIDE pour cette formation. Elles nous ont montré beaucoup de choses qui vont nous aider désormais », a laissé entendre Hawa Camara.
Toutes fois, il est important de rappeler que le Centre du Commerce International pour le Développement CECIDE a, depuis sa création, accompagné les différentes communautés impactées par les exploitations minières. C’est le cas des communautés de Kintinian, Sangaredi, Siguirini et autres. Comme pour dire que cette organisation participe effectivement à l’accomplissement des différentes politiques de développement du pays, cela malgré le contexte de financement un peu difficile.
Service Communication.